Les pays les plus pauvres d’Afrique trouvent très difficilement des financements pour leur agriculture. Ils sont confrontés à un douloureux dilemme : remboursement très coûteux des prêts ou parer au plus urgent, nourrir leur population. Ce fut un des thèmes du Forum africain des systèmes alimentaires 2025. Qui s’est tenu à Dakar du 31 août au 5 septembre.
Le problème n’est pas une pénurie des financements mais des modalités de remboursement qui évitent à ces pays de tomber dans le gouffre du surendettement. Le FIDA (Fonds international de développement agricole) , un organisme des Nations-Unies, s’est donné pour mission d’aider ces pays à tomber dans ce piège. Le FIDA investit en faveur des populations rurales et leur donne les moyens d’améliorer leur sécurité alimentaire, leurs revenus et leur résilience.
Les organismes de financement du développement rural sont souvent confrontés à un choix difficile : accorder des subventions ou des prêts concessionnels, c’est-à-dire des conditions plus favorables, en fait à des taux inférieurs à ceux du marché.
« Ce sont des discussions difficiles », a déclaré M.Alvaro Lario, président du FIDA, à Bloomberg News lors du Forum africain sur les systèmes alimentaires 2025 qui s’est tenu dans la capitale sénégalaise. « Devrions-nous accorder une subvention de 100 millions de dollars ou un prêt concessionnel de 300 millions de dollars ? »
Trouver des financements innovants
Selon les Nations unies, l’Afrique compte 32 des 44 pays les moins avancés du monde, dont beaucoup sont lourdement endettés. Beaucoup ont un ratio d’endettement supérieur à 100% de leur PIB : le Soudan ( ratio d’endettement de 250%), l’Érythrée, le Sénégal, le Cap-Vet…En valeur absolue, les plus endettés sont l’Égypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Ghana et le Kenya. Leur marge de manœuvre budgétaire est limitée, car entre 10 % et 25 % de leurs budgets peuvent être absorbés par les intérêts. Il est urgent de trouver pour ces pays des mécanismes d’allègement et de remboursement de leur de la dette.
Souvent décrite, de façon quelque peu hâtive, comme un grenier potentiel pour nourrir le monde, l’Afrique est confrontée aux besoins de sa population croissante alors que la faim augmente et que les progrès sont à la traîne par rapport aux objectifs de développement. Un des principaux obstacles à sa souveraineté alimentaire est justement la difficulté d’accès aux financements et aux marchés. Les petits agriculteurs africains ont un accès limité au crédit, ce qui les empêche d’investir dans de meilleures semences, des machines ou des technologies innovantes.
Pour inverser cette tendance, les nations et les créanciers devront repenser la manière dont ils mobilisent les investissements du secteur privé, élargir l’accès au financement et faire du développement agricole un élément central des stratégies économiques nationales. Mais l’ère des financements abondants est révolue. L’heure est à la recherche de moyens de financement innovants.
Financements publics et privés prendraient plus facilement la voie de l’investissement dans l’agriculture si la gouvernance des pays était améliorée et si étaient trouvées des incitations fiscales appropriées.
Le fardeau des importations
L’Afrique doit augmenter sa production alimentaire locale d’au moins 45 % et réduire de moitié les pertes après récolte d’ici 2035 si elle veut pouvoir nourrir sa population et freiner la flambée des coûts d’importation, selon la déclaration de Kampala lancée en mai parallèlement à la Stratégie et au Plan d’action du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine 2026-2035.
Alors que l’agriculture représente environ un quart du produit intérieur brut de l’Afrique, le continent doit faire face à une facture d’importation de produits alimentaires énorme : $ 75 milliards an pour les seule achats de céréales, selon la Banque africaine de développement.
Pourtant, l’Afrique ne manque pas d’atouts. Elle possède, la plus grande réserve mondiale de terres arables non exploitées, soit environ 60%. Le continent possède d’importantes réserves d’eau douce avec plusieurs bassins fluviaux majeurs (Congo, Nil, Niger) et de vastes aquifères souterrains. Sa population est jeune et dynamique. Elle abrite, enfin, une grande diversité de cultures, des céréales (maïs, riz, mil) aux cultures de rente (cacao, café, coton) et aux fruits et légumes. Le continent a les atouts nécessaires pour atteindre la souveraineté alimentaire s’il n’était pas handicapé par l’insuffisance des infrastructures, la faible productivité de ses terres, le changement climatique, les problèmes de gouvernance et l’accès au financement et aux marchés.
Le continent se trouve à un « tournant critique » en raison de la réduction de l’aide internationale, des droits de douane américains et de l’impact de la guerre en Ukraine sur les prix des denrées alimentaires. Il est donc temps pour lui de bâtir une agriculture durable et résiliente. Un prérequis est obligatoire : facilité et encourager l’accès à la propriété. Les agriculteurs africains disposeraient ainsi d’un actif qui leur faciliterait aux prêts des banques privées et à la microfinance.
Afin d’aider les agriculteurs à accéder au financement, l’administration de M. Faye souhaite accroître la propriété foncière. Cela permettra aux agriculteurs d’utiliser leurs actifs comme garantie lorsqu’ils solliciteront des fonds auprès de banques privées et d’institutions de microfinance.