Depuis une trentaine d’années, les échanges entre l’Afrique et les autres continents n’ont cessé de croître. D’un côté les États soutiennent les exportations africaines par des politiques incitatives, mais en sens contraire la forte demande intérieure et les handicaps de production (sécheresses, conflits…) stimulent les importations. Le continent dispose d’un fort potentiel pour inverser sa balance commerciale, déficitaire. Il dispose, entre autres, d’espaces à cultiver et d’une main d’œuvre à faible coût. Les lacunes sont celles d’un continent trop longtemps relégué au rang de fournisseur de matières premières : accès aux financements des réformes, faiblesse des infrastructures ou absence de chaînes de valeur. Malgré des exportations africaines en forte progression, plus de $700 milliards en 2022 contre $250 millions en 1990, le continent compte peu dans le négoce international. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) considère qu’il représente 3% des échanges mondiaux, et ce depuis trente ans !
Les statistiques relatives aux échanges africains traduisent tout de même une progression dans le nombre de pays avec lesquels commerce l’Afrique : plus de 180. L’UE, l’Asie et l’Amérique du Nord restent les trois partenaires principaux du continent africain.
En trente ans, les institutions financières ont changé leur point de vue vis-à-vis du continent africain considéré alors comme peu attractif et à risque. Il a fallu passer de quelques pays « bankables » à la vision d’un continent africain, dans son ensemble, en tant que partenaire commercial potentiel.
Il reste un challenge de taille, la valorisation des denrées. La balance commerciale oppose des importations de produits alimentaires transformés, donc chers, à des exportations de matières premières agricoles à faible valeur ajoutée :
- Cacao ;
- Café ;
- Bois ;
- Coton ;
- Fruits et légumes.
Selon la BAD, ces dernières années, cinq pays africains ont su attirer des multinationales et accueillir sur leur territoire des sites de production et de transformation, notamment agroalimentaires. Tous secteurs confondus, ils assurent 60 à 70% des activités continentales à valeur ajoutée :
- Afrique du Sud ;
- Égypte ;
- Nigeria ;
- Maroc ;
- Algérie.
La Zone de libre-échange africaine (ZLECAF) donne une certaine attractivité au continent, elle a lancé des grands chantiers visant à instaurer un écosystème favorable aux transports et aux financements des projets, en cohérence avec son Agenda 2063. Ce dernier comprend une série de programmes en faveur d’une souveraineté africaine et d’une meilleure représentation de l’Afrique sur la scène internationale.
Favoriser les exportations à forte valeur ajoutée
Pour soutenir cette ambition et financer une transition inclusive, les Africains doivent produire, transformer et conditionner avant d’exporter, particulièrement dans le secteur agricole. Cette volonté d’industrialiser l’agroalimentaire emporte l’adhésion de partenaires financiers étrangers, prêts à soutenir les initiatives en ce sens, y compris dans des régions instables comme le Sud Soudan.
De leur côté, les ports africains en profitent pour développer leur capacité logistique en espérant prendre le leadership dans le transit du négoce intra et intercontinental.
La valorisation de la production locale contribuera à la réduction des importations qui handicapent les bourses africaines, particulièrement depuis les récentes crises (Covid, conflits, sécheresses). Les États ont compris leur intérêt à gagner leur souveraineté, alimentaire et énergétique.
En parallèle, de nouvelles organisations sont missionnées pour pousser les économies africaines à privilégier les produits à forte valeur ajoutée, plus compétitifs à l’export. Le Fonds pour le développement des exportations en Afrique (FEDA) en fait partie. Filiale d’Afreximbank il cible et soutient les projets de valorisation à fort potentiel, à différents niveaux de la chaîne de valeur :
- Les services financiers ;
- La technologie ;
- La fabrication, le transport et la logistique ;
- Les véhicules de développement comme les parcs industriels.
La stratégie africaine est enclenchée, elle doit faire face à des obstacles, dont certains hors de sa portée, comme la récente décision européenne d’instaurer une contribution fiscale « carbone » pour les denrées importées, ceci dans le but de maintenir l’équité vis-à-vis des producteurs européens, eux-mêmes soumis au Système d’échange de quotas d’émission (SEQE).
Selon la BAD, cet écueil pourrait coûter $25 milliards aux exportateurs africains, désappointés d’une telle initiative de la part d’un client principal, et alors qu’ils contribuent faiblement aux émissions mondiales de GES (4%).
La piste américaine
Récemment, le Maroc a reçu une délégation américaine composée de membres de la National Association of State Departments of Agriculture (NASDA), une organisation qui encourage les partenariats en faveur de l’agriculture.
La délégation a échangé avec la section Agricole de l’ambassade des États-Unis et la Chambre de Commerce Américaine (AmCham), dans une volonté de partager les tendances et attentes du marché américain.
Ted McKinney, ancien membre du gouvernement américain et CEO de la NASDA, a indiqué vouloir comprendre les ressorts du système agroalimentaire marocain et évaluer l’intérêt d’un partenariat commercial.
Le Maroc constitue un partenaire stable et porteur d’un ambitieux projet agricole, avec lequel les États-Unis ont déjà signé un accord de libre-échange.
Les enjeux de cette coopération visent la technologie et l’innovation en matière de résilience climatique, deux thèmes qui préoccupent les partenaires.
Les secteurs agroalimentaires clé
Le marché de l’olive
Pour la période 2023-2029, la tendance du marché de l’olive en Afrique est à la hausse, avec un taux de croissance annuel de 5,5%.
Considéré comme un pilier de l’agriculture africaine, le secteur de l’olive fait l’objet d’une politique d’industrialisation même si la production principale reste garantie par les petits exploitants. En termes de production, le Maroc prend la tête avec 1,5 million d’olives produites pour 2021. Le contexte de production est plutôt défavorable depuis quelques mois, entre les coûts d’exploitation et une sécheresse qui freine les rendements, le prix du litre d’huile d’olive extra vierge s’affiche à plus de 5 euros !
L’huile d’olive bénéficie d’une bonne presse auprès des consommateurs, notamment pour ses bienfaits nutritionnels et dermatologiques. Les acteurs tablent sur la production biologique et la valorisation en tant que produits cosmétiques pour se démarquer et créer une plus-value.
Le Maroc est le principal exportateur africain, son label Morocco Gold a reçu le soutien de la FAO et de la BERD. Il porte la notoriété de ses produits oléicoles.
Le marché du riz
Le riz africain pèse environ $13 milliards, son taux de croissance annuel est estimé à 3,41% pour les cinq années à venir.
L’offre reste insuffisante face à la demande interne. La capacité de production est limitée par le profil des riziculteurs, des petits exploitants du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, de Madagascar, du Mali ou de la Tanzanie. Les riziculteurs industriels produisent seulement 10% du riz africain.
La riziculture est soutenue par une demande intérieure forte et par les nouveaux modes de vie citadins. Le travail des femmes favorise le choix de cette denrée de base, facile à stocker et à cuisiner.
Afin de satisfaire la demande, une cartographie des zones les plus aptes à la riziculture a été établie par l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) grâce à son outil GAEZ. Cette cartographie va faciliter la mise en œuvre des projets d’industrialisation de la production.
Le marché du coton
Estimé à environ $6 milliards, le marché du coton devrait dépasser les $7 milliards d’ici 2029. Le taux de croissance annuel attendu doit avoisiner les 5%, et ce jusqu’en 2029.
Aux mains des petits exploitants, la production de coton constitue souvent une activité annexe, ou alternative pour les champs de maïs ou de soja. Cette culture aime le climat d’Afrique subsaharienne, chaud et humide ainsi que son sol salin.
La cueillette manuelle préserve les caractéristiques du coton, en conformité avec les normes internationales fixées par la Better Cotton Initiative (BCI). Cette organisation soutient une approche préventive des risques au sein de la filière coton.
Le coton est principalement exporté vers l’Asie (Bangladesh, Vietnam, Chine, Malaisie) mais il intéresse toute la filière textile à l’échelle mondiale. L’African Growth and Opportunity Act (AGOA) lui donne une visibilité et facilite son référencement dans les circuits de commercialisation à l étranger.
L’attractivité de la fibre naturelle coton soutient les exportations africaines. Le Burkina Faso, leader, a exporté pour près de $460 millions de coton en 2021.
Le marché du cacao
Avec un taux de croissance annuel de près de 7%, le marché du cacao, qui pèse aujourd’hui $17 millions devrait atteindre les $23 millions d’ici cinq ans.
Très implantée, la culture de cacao alimente plusieurs filières, alimentaire, cosmétique ou pharmaceutique. La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, produit annuellement 2,2 millions de tonnes de fèves, soit 2/5e de la production mondiale. La vente de fèves de cacao constitue donc la recette principale du pays en termes de négoce à l’export.
La chaîne de valeur se situe hors Afrique, ces fèves sont envoyées en Europe où se trouvent les principaux producteurs de chocolat : Allemagne, Belgique, Italie et Pologne en tête. La diversification des usages du cacao (confiserie, arôme, enrobage, fourrage…) soutient la bonne santé de ce marché.
Sources : Mordor Intelligence, La Vie Eco, EUR Activ, La Tribune